Objet : Contribution du collectif Cistude à la concertation publique sur le projet CARBON

Le collectif Cistude a participé avec assiduité à toutes les réunions de la concertation publique sur le projet CARBON. Le rythme de cette concertation, trop rapide et précipité, a évidemment entravé la participation citoyenne. Notre demande de prolongation de la concertation a fait l’objet d’un refus tacite et nous le regrettons.
Le collectif Cistude a abordé cette concertation avec un a priori favorable pour le photovoltaïque. Toutefois, c’est l’opportunité d’un projet précis, CARBON,  que nous nous sommes efforcés d’évaluer. Au fil de cette concertation sont apparus plusieurs éléments mettant en cause cette opportunité.

Biodiversité
Hormis le tableau page 47 résumant succinctement les données objectives des études d’impact, le caractère patrimonial de la biodiversité du site est systématiquement relativisé dans le corps du dossier de concertation. Malgré une demande de notre part formulée lors de la réunion du 12 septembre 2023 consacrée à cette thématique, puis réitérée à plusieurs reprises, les données des études d’impact sur la biodiversité n’ont pas été rendues publiques dans le temps de la concertation. A ce jour, elles n’ont même pas été publiées dans Silene Expert, base de données du Système d’Information de l’Inventaire et du Patrimoine Naturel (SINP).
C’est très regrettable car le site d’implantation du projet est remarquable, tant en ce qui concerne la flore et la faune que les habitats naturels. Sur une échelle à six niveaux (Favorable – Non significatif – Faible – Modéré – Fort – Majeur ), le niveau d’enjeu est fort en ce qui concerne la continuité écologique (corridor) et majeur en ce qui concerne la faune, la flore et les milieux naturels (zone humide) (cf. dossier de concertation, tableau p. 47).
Dans le dossier de concertation, le descriptif de la séquence ERC en reste au stade des généralités et il en a été de même lors de la réunion du 12 septembre 2023. Les quelques éléments plus précis avancés sont souvent peu sérieux. Ainsi, le maître d’ouvrage envisage, dans le cadre du dossier de demande de dérogation, des « opérations de transferts végétaux et animaux » (dossier de concertation, p. 49). Cette mesure, à l’efficacité très limitée pour la faune, est totalement illusoire en ce qui concerne la flore. De même, lors de la réunion de concertation, le maître d’ouvrage a présenté la pose de «nichoirs à anguilles » comme un élément de la séquence ERC. Faut-il rappeler que les anguilles se reproduisent dans la mer des Sargasses ? Ces éléments ne sont pas anecdotiques. Ils traduisent un défaut de prise en compte de l’enjeu biodiversité dans la conception du projet. S’il était mis en œuvre, le projet CARBON, se voulant vertueux en matière d’écologie, serait entaché par une faute originelle : un écocide.
D’autre part, l’étude des impacts environnementaux présentée, outre le fait qu’elle est incomplète, se limite à l’enceinte du site. Or l’implantation de CARBON ne peut être envisagée sans une adaptation des infrastructures (transport et logement notamment) dont l’impact environnemental serait très important. D’ores et déjà, certains élus locaux, s’appuyant sur les projets industriels en cours, demandent des dérogations à l’objectif ZAN pour construire des logements (La Provence, 14 octobre 2023). Aucune étude du cumul de ces impacts n’a été réalisée.

Infrastructures inadaptées au rythme du projet
Selon le Dire de l’État pour le SCOT de la Métropole Aix Marseille Provence (page 39) : « La prédominance de la voiture individuelle dans les déplacements du quotidien constitue progressivement un frein à l’attractivité de la métropole. Les lignes de bus, cars et TER sont saturées et les usagers rencontrent des difficultés de stationnement dans les gares. Les impacts négatifs sont amplifiés et aggravés : pollution, nuisances sonores, perte de temps pour les usagers, insécurité routière… La ligne ferroviaire littorale construite en 1860, alors que la région comptait 3 fois moins d’habitants qu’aujourd’hui, est en limite de capacité : les trains du quotidien sont saturés de passagers et les taux de retards et d’annulations sont les plus élevés de France. Le réseau ferroviaire vieillissant est désormais confronté à l’enjeu suivant : concilier les circulations ferroviaires avec les nombreux travaux à effectuer sur le réseau ».
Il faut ajouter à ce tableau, peu reluisant mais juste, brossé par l’État la saturation chronique des services de santé, notamment des services d’urgence hospitalière, et la pénurie de logements.

L’implantation de CARBON aurait pour conséquence la création de 3000 emplois directs. Nous avons demandé, à plusieurs reprises, un bilan des emplois indirects et induits susceptibles d’être générés par CARBON. Le maître d’ouvrage n’a pas été en mesure de nous le fournir.
Selon l’Insee, un emploi industriel direct génère 1,5 emploi indirect (sous-traitance) et 3 emplois induits (alimentation, logement, services, etc.). Cela correspondrait, pour les 3000 emplois directs créés par CARBON, à 4500 emplois indirects et 9000 emplois induits, soit un total de 16 500 salariés. Or CARBON envisage une mise en chantier en 2024 pour une mise en exploitation en 2026. Dans le contexte de pénurie d’infrastructures décrit précédemment, un tel afflux de population aggraverait au-delà du supportable le quotidien des citoyennes et citoyens de ce territoire.
La fragilité de l’actuel est incompatible avec la marche forcée qui serait imposée par le rythme du projet CARBON.

Au seul vu de ces deux enjeux, la biodiversité et les infrastructures, le projet CARBON, apparaît donc comme inopportun.
Trois alternatives sont proposées.

Alternative 1. Implanter CARBON sur une des friches industrielles du pourtour de l’Étang de Berre. A titre d’exemple, le choix du site de LyondellBasell, à Berre l’Étang permettrait peut-être d’éviter l’impact sur la biodiversité et de bénéficier d’infrastructures ferroviaires moins obsolètes. Sans préjuger des résultats, une étude sérieuse devrait être menée sur cette option.
Alternative 2. Mettre en œuvre un plan ambitieux de réduction du trafic routier fondé sur le ferroviaire, le fluvial et les pistes cyclables. En l’attente de sa réalisation, reporter le projet CARBON. Cette alternative permettrait de surmonter l’obstacle constitué par l’obsolescence des infrastructures. Toutefois, la problématique de l’impact sur la biodiversité resterait intacte.
Alternative 3. Abandonner le projet CARBON.

Christian M.
Coprésident du collectif Cistude

 

Nous vous remercions pour votre participation à la concertation.